Erwan Coïc : l’outsider breton de la musique de film
Peut-on réussir une carrière internationale dans la musique de films tout en restant travailler en Bretagne ?
C’est le pari fou, et sans nul doute réussi, dans lequel s’était lancé le compositeur de musiques de films Erwan Coïc il y a près de 10 ans.
A son palmarès, de multiples films, documentaires et séries, dont il a composé les musiques originales. Le tout couronné en 2018 par une montée des marches officielle lors du Festival de Cannes, accompagné par une brochette de vedettes américaines.
Pourtant assez méconnu du grand public français et, l’avoue-t-il lui-même, assez peu familier des milieux autorisés d’entre gens parisiens du monde du cinéma, le compositeur breton Erwan Coïc trace son chemin artistique depuis la Bretagne si chère à son cœur.
Installé dans le Cap Sizun, au sud du Finistère, il a fait le choix assumé de l’équilibre et de l’authenticité en préservant au centre de sa vie, avant toutes choses, sa quiétude et son unité familiale auprès de son épouse, elle même artiste peintre et artiste graphique, et de ses trois enfants.
« C’est le choix d’une vie authentique avec des valeurs fortes, avant que d’être un choix de carrière mu par l’unique ambition professionnelle» précise-t-il.
« Le côté apaisant de la nature et la proximité de l’océan, mélangés à un cadre de vie où je peux consacrer du temps à ma famille, sans courir d’un embouteillage à l’autre entre deux séances de studio, nourrissent mon art et me permettent d’être l’une des meilleures versions de moi-même durant mes périodes de composition. Plus réceptif !
Je peux donc ainsi redonner au public le meilleur du flux mystico artistique que je reçois de l’univers, sur chaque projet que l’on me confie. C’est un luxe rare, de nos jours, de pouvoir travailler dans un tel cadre baigné de sérénité. »
Installé au cœur du bocage, les pieds dans l’eau, son vaste studio, équipé des technologies les plus modernes, lui a permis ces dernières années de répondre avec succès à plusieurs gros appels d’offres portants sur des projets audiovisuels internationaux, là où la compétition fait rage.
Par exemple, récemment, sur le plan des grands documentaires, Erwan Coïc a composé les musiques originales de la série franco-chinoise, en 6 épisodes, intitulée « La Chine au Fil des Rails » sortie en 2019 et vue déjà par plus d’un milliard de téléspectateurs (diffusée sur France 5 l’été 2020).
Ou bien celui retraçant l’épique traversée de la Manche par Franky Zapata sur son Flyboard durant l’été 2019 (Canal +).
Ou bien encore, plus près de chez nous, « Paroles d’ouvriers : la réparation navale » tourné à Brest et sorti en 2017 (France 3).
Toutes ces images furent accompagnées par des notes de musiques originales signées Erwan Coïc, composées et produites en Bretagne, puis diffusées dans le monde entier.
C’est aussi ça le Breizh Power !
Car il ne faut pas l’oublier : « tous ces documentaires seront vus et entendus ensuite pendant des années dans la plupart des pays modernes à force de rediffusions, leur octroyant ainsi un public extrêmement large et diversifié», précise-t-il.
Erwan Coïc démontre donc, s’il le fallait encore, que le pari de la Bretagne peut se révéler gagnant pour les artistes, pour peu qu’on s’en donne les moyens et qu’on s’y engage « sans plan B ».
«Quand j’aime, je ne lâche rien. Il est toujours aisé de blâmer le territoire et son éloignement de la capitale, pour se trouver des excuses pour ne pas faire les choses. Pour ma part, j’ai dès le début décidé d’en faire une force en mettant cette particularité en avant comme étant une richesse culturelle.» sourit-il.
« Aujoud’hui, avec la diversité des technologies de télécommunication mises à notre disposition, on peut tout à fait travailler avec le monde entier en un clic et donc échanger en une seconde les contenus de travail. Et c’est aussi là un enjeux majeur pour les artistes bretons, et pas que pour les musiciens. C’est une opportunité pour tous dont il faut s’emparer pour faire voir au monde la qualité des acteurs locaux et exposer le plus largement possible, mais de manière ciblée, leur travail.
C’est un engagement profond de défendre mon appartenance à ce terroir que j’aime tant, car j’y ai mes racines, mes enfants y grandissent et s’y forgent une identité.
Si nous partions tous pour raisons professionnelles, qu’y resterait-il ensuite en substance ?
Une image d’épinal culturelle de la Bretagne avec des costumes bretons traditionnels ?
La Bretagne d’aujourd’hui c’est bien plus que ça bien heureusement.
La diaspora c’est bien, il en faut certes, mais elle ne peut pas être représentative de la Bretagne à elle seule. Ce serait un non sens !
C’est donc notre rôle, individuellement et ici, de porter la culture bretonne « actuelle » et les savoir-faire divers du territoire au delà de ses frontières, mais en le faisant volontairement à partir du sol breton.
Devoir en partir, franchement, ce serait un véritable déchirement au cœur me concernant… Ce n’est donc pas prévu !» précise-t-il.
En 2017, Erwan Coïc a ainsi pu travailler à distance, à partir de son studio breton, avec le réalisateur turc Murat Aslan sur le long métrage « Asya » sans jamais qu’ils n’aient tous deux besoin de se rencontrer physiquement.
Ou plus récemment, en 2019 pour le long métrage hollywoodien « 2 Graves In The Desert », tourné aux USA dans le désert de Mojave, près de Las Vegas. Avec au casting des acteurs renommés, et pas des moindres : Mickael Madsen et William Baldwin, qu’on ne présente plus.
« Si le public américain se doutait une seconde que toute la B.O de « 2 Graves in the Desert » a été composée et produite de l’autre côté de l’Atlantique, à la pointe de la Bretagne, cela le surprendrait certainement » s’amuse Erwan Coïc avec un large sourire, non mécontent de son coup.
« Mais cela ne m’empêche pas pour autant, dès que l’opportunité se présente, de me déplacer physiquement sur les tournages pour m’imprégner de l’ambiance des plateaux et y rencontrer les équipes qui fabriquent les films. La Bretagne, c’est encore plus formidable quand on y revient !»
Pour ce qui est de l’avenir du métier de compositeur, si le carnet de commande d’Erwan Coïc était encore plein pour plusieurs mois il y a peu, comme nombre de ses collègues, l’épidémie de Covid-19 est depuis passée par là, et nombreux sont les tournages qui ont du s’arrêter, être reportés, ou bien pire encore, qui ne se feront tout simplement plus du tout. Les sociétés de productions à l’origine des projets ayant pour certaines fait faillite à cause de l’épidémie.
«La situation actuelle, qui perdure et se répète en terme de confinement a, hélas, forcément un impact extrêmement négatif sur toute la filière cinématographique et artistique en Bretagne.
Il y a de gros dégâts que l’on va ressentir et subir pendant très longtemps ! C’est affligeant…
La musique de film n’est malheureusement pas épargnée …
Je pense à tous mes confrères artistes, au sens large. Et au delà d’eux, à tous les techniciens du métier. Et encore plus largement, aux entrepreneurs, aux indépendants, aux petits commerçants, de Bretagne comme du reste du pays.
Tout ceci n’est pas simple à encaisser !
A un moment, il faudra faire les comptes et que les responsabilités soient assumées !» s’exprime-t-il.
Heureusement, notre outsider-compositeur breton autodidacte a de nombreuses cordes à son instrument car 2020 fût aussi pour lui l’année du livre audio destiné à la jeunesse !
«Je viens de terminer un fantastique projet musical portant sur la vie de la primatologue Jane Goodall. Une première pour moi !
Jane Goodall est mondialement connue pour l’étude et la protection des grands chimpanzés, et plus largement pour la protection de la nature. C’est elle qui a mis à jour que les chimpanzés, comme nous, se servaient d’outils !
J’ai donc eu l’immense plaisir, le privilège rare, de travailler sur la création de 3 livres audio accompagnant une trilogie de 3 livres papier lui étant consacrée. Ceci à destination de la jeunesse et nommé : Le Rêve de Jane.
« Le Rêve de Jane » sort d’ici peu dans les petits commerces de proximité sous l’initiative de la maison d’édition quimpéroise « L’Avion de Papier » avec le soutient du Jane Goodall Institute France. Le projet a été visé et validé personellement par Jane Goodall elle-même !
Il va se présenter sous la forme d’un pack contenant 3 livres + 1 CD de plus de 70 minutes (contenant les 3 histoires en version audio, mises en musique et en ambiance sonore par votre serviteur + les 3 versions instrumentales). Le tout sera vendu 19,90€.
Une partie du prix sera reversé au Jane Goodall Institute France.
Le pack sera disponible chez plus de 700 petits commerçants en Bretagne, avant les fêtes, si tout n’est pas bloqué avec le confinement, et un peu ici et là en dehors de la Bretagne.
Le cas échéant, ce sera disponible à coup sûr début novembre sur le site : www.laviondepapier.fr.
Mais l’idée c’est bien évidement, en priorité pour le public, de se procurer le pack chez les petits commerçants afin de les soutenir économiquement ! » précise-t-il.
« Cela fût un projet très inspirant ou j’ai disposé d’une carte blanche artistique totale pour composer la musique. C’est extrêmement rare. Ca mérite d’être souligné.
Et je veux aussi, en cela, faire connaitre cette modeste maison d’édition quimpéroise qui s’est engagée à fond dans le projet, en y mettant les moyens artistiques et humains importants afin que le projet voit le jour, malgré un contexte économique compliqué que l’on connaît en 2020.
Un grand merci encore à eux pour m’avoir fait confiance !
Les lecteurs et auditeurs devraient se régaler en découvrant « Le Rêve de Jane »!
Toute l’équipe créative y a mis beaucoup de cœur à l’ouvrage ! »
Et quand on lui demande ce qu’il souhaiterait pour l’avenir il répond :
« J’aimerai travailler plus régulièrement avec des producteurs et réalisateurs bretons ! Et en particulier avec le producteur Pierre-Ange Le Pogam si l’opportunité se présentait. La perche est lancée !»
En 2021, le compositeur breton Erwan Coïc prévoit de composer pour d’autres livres audio, ainsi que pour une nouvelle série documentaire traitant du réchauffement climatique (Ushuaïa TV), et pour un album rassemblant des chanteurs français bien connus. Mais chuttttt, ça c’est encore un secret …
Site web : www.erwancoic.com