Restrictions d’utilisation des terres : zonage local et ordonnance sur-mesure
Un secteur agricole peut être classé constructible, puis rétrogradé en zone naturelle sans indemnisation. À l’inverse, une parcelle frappée d’une interdiction de bâtir obtient parfois une dérogation sur décision municipale, en dépit des plans locaux d’urbanisme. Plusieurs collectivités recourent à des ordonnances adaptées pour contourner la rigidité des schémas de zonage, générant des disparités entre territoires voisins. La jurisprudence, oscillant entre protection de l’intérêt général et droits individuels, multiplie les cas d’arbitrage.
Comprendre le zonage local : enjeux et impacts sur l’usage des terrains
Depuis le 1er janvier 2020, la France a mis en place des mesures inédites pour protéger les personnes vivant à proximité des zones traitées avec des produits phytopharmaceutiques. L’arrêté du 27 décembre 2019 pose ainsi des distances de sécurité réglementaires entre ces zones traitées et les bâtiments habités. Résultat : la carte des usages agricoles ou périurbains se redessine, soumise à de nouvelles règles. Le zonage local se confronte désormais au principe de précaution, obligeant à arbitrer entre exploitation agricole, santé publique et exigence d’un environnement préservé.
Chaque projet d’aménagement doit composer avec ces contraintes. Agriculteurs, élus, riverains se retrouvent à négocier l’affectation des parcelles, à intégrer ces limites spatiales dans chaque planification. Entre deux villages, la distance minimale, parfois quelques mètres, parfois bien davantage, modifie le paysage, influence la valeur du foncier, détermine la localisation des futurs bâtiments habités. Cette maille réglementaire, loin d’être homogène, met en lumière une tension constante entre besoins de production et volonté de protéger les riverains.
Voici un exemple très concret : une zone agricole voisine d’un lotissement récent doit instaurer un cordon sanitaire, élargi si la parcelle accueille des substances jugées préoccupantes. Le zonage local, censé encadrer l’usage des terrains, devient alors l’outil d’un compromis. Mais ce compromis n’est jamais neutre : il génère parfois des conflits, des incompréhensions, des recours. Les arrêtés fixent un cadre, mais, sur le terrain, les ajustements s’imposent, alimentant le débat au sein des collectivités.
Restrictions d’utilisation des terres : quels sont les principaux freins rencontrés par les propriétaires ?
La réglementation phytosanitaire n’a cessé de se complexifier. Les propriétaires fonciers se retrouvent face à un empilement de textes en évolution permanente, entre l’arrêté du 4 mai 2017, ses multiples modifications en 2022 et 2023, et la succession de décrets. Chaque mise à jour redéfinit les règles d’usage des terres, compliquant la gestion quotidienne des parcelles.
Les distances de sécurité exigées varient en fonction des substances utilisées : 20 mètres pour toute substance active préoccupante comme les CMR1 ou perturbateurs endocriniens, 10 mètres pour une substance suspectée CMR2 si elle figure à l’annexe 5. Ces seuils, parfois ressentis comme arbitraires, amputent la surface agricole utile, mettant à mal la rentabilité de certaines exploitations, en particulier les plus petites.
Dans ce contexte, plusieurs obstacles principaux se dressent pour les propriétaires :
- Les textes d’application sont interprétés différemment d’une préfecture à l’autre, créant un flou permanent.
- La mise en œuvre des chartes d’engagement varie fortement selon les territoires, accentuant les disparités.
- L’incertitude sur l’AMM (autorisation de mise sur le marché) conduit parfois à imposer des distances spécifiques à chaque produit, rendant la règle difficile à anticiper.
- Lorsqu’une nouvelle contrainte s’impose, les propriétaires se retrouvent souvent sans accompagnement technique ou financier.
Pour beaucoup, le cadre juridique prend la forme d’un millefeuille réglementaire. Chaque ajout complexifie sans apporter de visibilité à long terme. Parfois, tout se joue sur une nuance dans la notice d’un produit ou une réévaluation européenne : le classement d’une substance en CMR1, CMR2, ou perturbateur endocrinien peut faire basculer l’équilibre d’une exploitation. La question se pose alors : où commence la restriction d’usage, où finit la responsabilité individuelle ? Cette frontière incertaine nourrit tensions et doutes dans la gestion du foncier.
Ordonnances sur-mesure : une réponse adaptée aux besoins spécifiques des territoires
La modulation locale des restrictions d’utilisation des terres s’ancre dans la réalité du terrain. Plutôt que d’appliquer mécaniquement des textes nationaux, les ordonnances sur-mesure s’imposent comme une solution pragmatique, au plus près des enjeux agricoles et environnementaux. Les viticulteurs, arboriculteurs, producteurs de petits fruits ou de cultures ornementales bénéficient d’un cadre ajusté : la distance de sécurité passe à 10 mètres autour des zones traitées pour ces cultures, tandis qu’elle est réduite à 5 mètres pour d’autres, comme les céréales, oléagineuses ou légumes.
Au cœur de ce dispositif : la charte d’engagement, élaborée en concertation avec les acteurs locaux. Elle autorise l’adaptation des distances, à condition d’utiliser un matériel d’application limitant la dérive. Ce système permet d’intégrer les spécificités du terrain : relief accidenté, habitat dispersé, pratiques culturales propres à chaque bassin.
Voici, de façon claire, les distances retenues selon les cultures et les produits utilisés :
- 10 mètres pour l’arboriculture, la viticulture et la forêt
- 5 mètres pour les autres cultures
- Exemption pour les produits de biocontrôle et ceux utilisables en agriculture biologique
Cette marge de manœuvre réglementaire encourage aussi l’innovation technique. Les agriculteurs qui investissent dans des buses anti-dérive ou qui privilégient des produits alternatifs, comme le biocontrôle ou les substances compatibles avec le bio, bénéficient de règles allégées. Cette différenciation donne naissance à un zonage agricole plus nuancé, plus accepté socialement, mieux adapté à la diversité des pratiques et des contraintes locales.

Comment anticiper et gérer les évolutions réglementaires pour sécuriser ses projets fonciers ?
Le risque réglementaire plane sur chaque projet foncier. À chaque nouvelle recommandation de l’Anses, à chaque publication du Bulletin officiel du ministère de l’agriculture, les repères sont bousculés. Propriétaires, exploitants, aménageurs : personne n’y échappe. Ne pas subir, mais anticiper, voilà l’enjeu.
Mettre en place une veille réglementaire s’impose alors comme la meilleure protection. Suivre les avis de l’Anses, examiner les dernières évolutions des arrêtés, garder un œil sur les listes de substances actives : ces réflexes deviennent stratégiques. L’ITAB, l’institut technique de l’agriculture biologique, tient à jour la liste des substances de base autorisées. Ces produits, jugés non dangereux, échappent à certaines restrictions imposées par la réglementation sur les phytosanitaires. Mais attention, cette liste évolue au rythme des validations européennes ; rien n’est jamais figé.
Les chartes d’engagement accélèrent l’adaptation locale. Négocier, ajuster, faire remonter les particularités de son territoire : ces démarches collectives permettent de mieux répondre aux réalités du terrain. Certains exploitants choisissent d’investir dans du matériel homologué pour limiter la dérive, d’autres optent pour des cultures moins exposées aux restrictions. Tenir une documentation précise, maîtriser les obligations déclaratives, consulter des experts juridiques : ces habitudes réduisent les risques de contentieux et contribuent à la pérennité de l’exploitation.
Face à un paysage réglementaire mouvant, chaque arbitrage dessine les contours de l’agriculture de demain. Rester attentif, s’informer, adapter ses pratiques : c’est ainsi que le foncier agricole pourra continuer à s’inscrire dans la durée, malgré les secousses du droit et les exigences de la société.