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Histoire du streetwear : quelle marque a été la première à lancer le mouvement ?

Un simple trait de feutre sur un t-shirt blanc, perdu dans le tumulte des rues new-yorkaises des années 70 : voilà le genre de geste anodin qui, sans crier gare, déclenche des tempêtes. Qui aurait imaginé que ce bricolage improvisé, entre deux sessions de skate, allait semer la graine d’une révolution vestimentaire planétaire ?

Skateboard cabossé, planche de surf griffée, casquette recouverte d’un tag : autant d’artefacts d’une jeunesse qui, sans le savoir, forgeait les symboles d’un mouvement mondial. Loin des podiums, à mille lieues des diktats de la haute couture, un précurseur a brisé les codes. Mais alors, d’où est vraiment partie cette déferlante qu’on appelle aujourd’hui streetwear ? Quelle marque a osé écrire la première ligne de cette histoire urbaine ?

Le streetwear, un phénomène culturel avant d’être une tendance

Bien avant que la mode ne s’en empare, le streetwear s’enracine dans la culture urbaine. À la charnière des années 70 et 80, les avenues de New York et de Los Angeles vibrent au rythme de nouveaux codes. Sneakers customisées, t-shirts graphiques, vêtements oversize : plus qu’un style, une manière d’exister, une langue clandestine parlée d’un quartier à l’autre.

Ce qui donne toute sa force au streetwear ? Ses racines culturelles, puisées dans le hip-hop, le graffiti, le skate, la contestation. Les précurseurs ne cherchent pas à se fondre dans le moule, ils le brisent. Logos détournés, pièces uniques, mélanges inattendus : ici, on ne suit pas la mode, on la bouscule.

  • Le streetwear s’érige en réponse à l’uniformité du prêt-à-porter classique.
  • La mode urbaine devient l’écho des espoirs, des colères, des ambitions d’une jeunesse avide de reconnaissance.
  • Les marques qui émergent à cette époque captent l’énergie brute de la rue, sans jamais se plier aux règles établies.

Peu à peu, cette onde de choc traverse les frontières. Tokyo, Paris, Londres : chaque ville s’empare à sa façon du langage du streetwear. Les pièces iconiques – t-shirts sérigraphiés, vestes larges, sneakers fétiches – finissent par incarner un récit global, bien plus vaste que la simple sphère de la mode.

Aux origines du mouvement : quelles influences ont façonné le streetwear ?

Impossible de raconter la histoire du streetwear sans évoquer ce carrefour d’influences où tout s’est joué. Dès le début des années 80, entre deux graffitis et trois tricks de skate, New York et Los Angeles deviennent le théâtre d’une explosion créative. Les pionniers du rap – Run-DMC, Wu-Tang Clan, Public Enemy – imposent la silhouette tracksuit adidas, bomber et casquette plate. Un style qui dit tout, sans un mot.

De l’autre côté du pays, la scène surf californienne invente l’attitude décontractée. Los Angeles devient le laboratoire d’une jeunesse qui refuse les conventions, détourne les classiques et affirme sa singularité par le vêtement.

  • Des créateurs afro-américains comme Dapper Dan transforment les pièces de luxe à Harlem, créant des vêtements pour leur communauté, loin des regards de la mode officielle.
  • À Tokyo, la vague streetwear japonais prend forme avec Bathing Ape (BAPE), qui mélange pop culture et graphismes audacieux.

Entre Paris – où la culture hip-hop infuse la mode dès la fin des années 80 – et la côte ouest américaine, le streetwear devient le reflet des grandes métropoles. Ce brassage explique la diversité explosive des marques streetwear, de Ralph Lauren à Notorious B.I.G., chacune puisant dans un héritage métissé.

Qui peut vraiment revendiquer le titre de première marque streetwear ?

La question fait encore débat : la première marque streetwear ne s’attribue pas aussi facilement qu’un logo. Plusieurs noms émergent, chacun incarnant un pan de l’histoire.

  • Stüssy : lancée en Californie au début des années 80 par Shawn Stussy, la marque grave son logo calligraphié sur des t-shirts et des sweats larges, et fédère rapidement un cercle bien au-delà de la scène surf et skate.
  • Supreme : née dans le New York de 1994 sous la houlette de James Jebbia, elle impose le style skate local, invente les files d’attente devant la boutique et multiplie les collaborations inattendues – un modèle repris partout dans le monde.
  • Bathing Ape (BAPE) : au Japon, Nigo lance en 1993 une marque qui se distingue par ses motifs camouflage et son esthétique pop, influençant à son tour la planète mode.

Impossible d’ignorer l’influence de Nike et Adidas, qui, bien avant l’avènement du streetwear, voient leurs sneakers phares adoptées par la rue. Plus tard, des figures comme Virgil Abloh (Off-White), Nigo (Billionaire Boys Club) ou Pharrell Williams emmènent le streetwear vers la haute couture, multipliant les collaborations avec Louis Vuitton ou Dior.

Finalement, la quête de la première marque streetwear ressemble davantage à une constellation d’influences qu’à un point de départ unique. Chacun a ajouté sa pierre à un édifice aujourd’hui mondialement reconnu.

vêtements urbains

Pourquoi l’héritage des pionniers continue d’inspirer la mode urbaine aujourd’hui

La mode streetwear ne cesse de se renouveler, tout en restant fidèle à la trajectoire tracée par ses pionniers. Des créateurs tels que James Jebbia (Supreme), Nigo (BAPE, Billionaire Boys Club), ou Virgil Abloh (Off-White) inspirent chaque nouvelle génération, des studios de création aux bureaux des grandes maisons.

Les collaborations qui créent l’événement à chaque saison témoignent de la force du streetwear à bouleverser l’ordre établi. Nike x Off-White, Pharrell Williams chez Adidas : chaque sortie devient une attente fébrile, une chasse à la pièce rare, un phénomène culturel autant qu’un acte d’achat.

  • Un lancement limité n’est plus seulement une mise en rayon : c’est un manifeste, une affirmation d’identité, une prise de position.
  • Le principe de sélection et actualisation rend le streetwear inséparable de l’idée de rareté, de désir, de quête.

Le parcours de Kanye West, de ses débuts chez Nike à la saga Yeezy, illustre ce dialogue permanent entre héritage et innovation. Les créateurs d’aujourd’hui, loin de se contenter de copier les anciens, composent avec leur héritage pour écrire de nouveaux chapitres. Le streetwear, né dans la rue, continue de dicter sa loi, indomptable et créatif, sur les passerelles et dans les armoires du monde entier.